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La similigravure : une révolution tardive dans la presse illustrée.
La mise au point de la technique de la similigravure à la fin du XIXe siècle a marqué un tournant décisif pour la photographie et la presse illustrée, en France comme dans les autres pays occidentaux. Ce procédé a permis l'association du texte et de l'image au sein d'une même page de journal, renouvelant ainsi les formes et l'économie de l'information visuelle. Les histoires de la photographie et de la presse évoquent souvent cet épisode, citant des figures clés comme le Français Charles-Guillaume Petit, l'Allemand Georg Meisenbach et l'Américain Frederic Ives pour leurs contributions à l'invention du procédé de reproduction photomécanique des images. Cependant, ces ouvrages laissent souvent des zones d'ombre, notamment sur les deux décennies séparant les brevets de ces inventeurs pris dans les années 1880 et l'usage massif de la similigravure par les journaux à la fin du siècle. De plus, bien que l'usage d'une trame pour traduire les niveaux de gris en un réseau de points noirs n'était pas nouveau à l'époque, la nature exacte des apports de Petit, Meisenbach ou Ives reste à clarifier.
Les prémices de la similigravure : Charles-Guillaume Petit et le procédé mécanique
En 1878, Charles-Guillaume Petit dépose un brevet pour un procédé de « photo-typographie », une technique visant à traduire un cliché en demi-teinte en un cliché au trait capable de fournir un relief typographique. Ce procédé s'inscrit dans la continuité des travaux d'Alphonse Poitevin et repose sur l'obtention préalable d'une épreuve en relief à la gélatine bichromatée. Petit introduit un principe mécanique pour traduire cette image en un réseau de points noirs pouvant être gravés en relief. L'utilisation d'une « machine à raboter » munie d'un outil en forme de V, mentionnée dans son brevet, permet de transformer les nuances de gris photographiques en un réseau de points. Ces points sont ensuite photographiés, reproduits et gravés sur une plaque de zinc selon les principes du gillotage.
Cependant, les résultats obtenus par Petit ne sont pas immédiatement probants. En 1880, Léon Vidal note que la Société d'encouragement pour l'industrie nationale ne peut accorder à Petit qu'une partie du prix destiné à récompenser l'invention d'un procédé capable de transformer un cliché photographique en un cliché pouvant être imprimé industriellement sans modifier les conditions de la typographie. Malgré ces résultats mitigés, le nom de Charles-Guillaume Petit s'inscrit dans l'histoire internationale de la similigravure, aux côtés de Georg Meisenbach et Frederic Ives. Le terme « similigravure », utilisé dès 1880 par Petit, contribue à sa notoriété.
La contribution de Georg Meisenbach et la transition vers un concept optique
Georg Meisenbach, inventeur allemand, dépose en 1882 un brevet pour un procédé de reproduction utilisant une trame dans la reproduction d'une image. Contrairement à Petit, Meisenbach ne repose pas sur un relief, mais sur une combinaison de lignes parallèles ou croisées appliquées directement sur un négatif. Ce procédé permet de produire un effet plastique supérieur, selon Meisenbach, en donnant une meilleure impression de profondeur et de volume à l'image reproduite.
Dans la presse illustrée française, les premiers résultats de ce procédé optique apparaissent dans les années 1880, notamment dans le journal L'Illustration. Cependant, l'adoption de cette technique se heurte à des difficultés techniques et culturelles, notamment en raison de la complexité de la conception des trames. Ce décalage explique en partie pourquoi la similigravure ne devient un procédé courant dans la presse qu'à la fin du XIXe siècle.
L'impact des travaux de Max Levy et l'industrialisation de la similigravure
L'Américain Max Levy, conscient des limitations des procédés mécaniques, se concentre sur la conception d'écrans lignés pour la phototypographie. En 1893, il dépose un brevet pour un écran qui devient rapidement la trame standard utilisée dans la similigravure. La contribution de Levy réside principalement dans la précision et la qualité de ses trames, qui permettent une meilleure reproduction des niveaux de gris en points noirs. Ces écrans, produits industriellement, ouvrent la voie à une généralisation de la similigravure dans la presse, notamment en France.
La réception et l'usage de la similigravure en France
En France, l'adoption de la similigravure est lente. Les résistances culturelles, notamment l'influence des graveurs sur bois et des procédés de gélatine bichromatée, freinent son développement. Ce n'est qu'à partir des années 1890 que la similigravure commence à s'imposer dans la presse illustrée, notamment dans des publications comme L'Illustration. À partir de 1895, l'utilisation de la similigravure devient plus fréquente, mais il faut attendre le début du XXe siècle pour qu'elle remplace définitivement la gravure sur bois dans les journaux.
Conclusion
La similigravure, bien que révolutionnaire, met plusieurs décennies à s'imposer comme le principal outil de reproduction d'images dans la presse. Les travaux de pionniers comme Charles-Guillaume Petit, Georg Meisenbach et Max Levy sont essentiels pour comprendre cette transition. La similigravure marque une étape importante dans l'histoire de la photographie et de la presse, ouvrant la voie à une nouvelle ère de communication visuelle où texte et image se combinent de manière harmonieuse. Cependant, cette révolution technique n'est pas sans heurts, marquée par des résistances culturelles et des défis techniques qui expliquent le décalage entre les premières expérimentations et l'adoption généralisée du procédé.
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