Le Patriote illustré, un miroir du temps et de l’histoire belge.

Fondé en 1884 par Victor et Louis Jourdain, "Le Patriote illustré" représente bien plus qu’un simple hebdomadaire. C’est un témoin privilégié des transformations sociétales, des grands événements historiques, et des évolutions culturelles de la Belgique et du monde. Appartenant au paysage médiatique catholique et édité dès l'année suivante, il devient rapidement l’organe illustré de "La Libre Belgique". Ce journal, interrompu par deux fois en raison des conflits mondiaux, a pourtant su renaître à chaque fois, devenant une publication incontournable pour de nombreuses familles belges.

L’impact des conflits mondiaux sur la publication

Comme beaucoup d'autres publications de l'époque, "Le Patriote illustré" a subi les aléas de l’histoire. Lors de la Première Guerre mondiale (1914-1918), la parution du journal fut suspendue, tout comme pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces interruptions témoignent des difficultés rencontrées par les médias de l’époque, où la censure, le manque de papier et les restrictions imposées par les régimes d’occupation ont marqué une période noire pour la presse. Pourtant, chaque fois, "Le Patriote illustré" est revenu en force, offrant à ses lecteurs un contenu riche et varié.

Un magazine familial et diversifié

Ce qui faisait la particularité de "Le Patriote illustré", c’était son approche résolument familiale. Ce magazine s’adressait à un large public en proposant un mélange unique d’actualité, d’articles sur les sciences et les techniques, de reportages aux quatre coins du monde, mais aussi de découvertes du patrimoine belge. L’accent était mis sur les illustrations, souvent plus évocatrices que de longs développements. Cela permettait une compréhension immédiate et visuelle des sujets abordés, une caractéristique qui le distinguait des autres publications de l’époque.

Les sujets internationaux étaient également omniprésents, notamment les reportages sur l’Afrique et le Congo belge, alors sous domination coloniale. À travers ses pages, le lectorat belge découvrait des contrées lointaines, parfois avec un regard empreint de l’idéologie coloniale de l’époque, mais toujours avec une certaine fascination pour l’ailleurs.

L’humour comme remède aux douleurs du passé

Après la Seconde Guerre mondiale, "Le Patriote illustré" reprend sa publication dans un contexte de reconstruction et de quête de normalité. Pourtant, les traces du conflit restent présentes, tant dans les esprits que dans les pages du magazine. En 1946, "Le Salon des Humoristes" devient une section incontournable de chaque édition. Les dessins humoristiques, souvent importés d'autres grands magazines internationaux comme le "New-Yorker" ou le "Saturday Evening Post", sont un moyen de tourner en dérision les traumatismes récents. Bien que certains fassent encore référence à la guerre, d’autres cherchent à divertir en puisant dans des sujets plus légers ou historiques.

L’édition du 7 juillet 1946, par exemple, reflète cette dualité. Alors que la couverture montre le prince Charles, Régent de Belgique, inaugurant une plaine de jeux à Quaregnon, les pages intérieures alternent entre des sujets sérieux, comme "L’expérience atomique de Bikini" ou les festivités religieuses de la Fête-Dieu à Liège, et des touches d’humour qui tentent de ramener un sourire sur les visages encore marqués par les années de guerre.

Des couvertures emblématiques, reflets d’une époque

Les couvertures de "Le Patriote illustré" sont autant de témoignages visuels des préoccupations de l’époque. Le 21 juillet 1946, c’est le président Truman qui est à l’honneur, en réception d’un coffret de terre provenant de Bastogne, un geste hautement symbolique rappelant les sacrifices de la bataille des Ardennes. Une semaine plus tard, c’est le roi Léopold III qui fait la Une, sous le titre évocateur "L’illustre absent de la Fête Nationale", en pleine crise de la "Question royale".

Chaque couverture, chaque photo, est une porte ouverte sur une Belgique en mutation, tentant de se reconstruire après les épreuves, tout en affirmant son identité.

Une publication en écho aux grandes commémorations

Le 11 août 1946, "Le Patriote illustré" revient sur les festivités du IXe centenaire de la collégiale de Nivelles, un événement qui réunit les fidèles autour des ruines de l’édifice, témoignant de la résilience spirituelle face aux destructions de la guerre. Dans le même numéro, deux pages sont consacrées à Hiroshima, un an après sa destruction. Les photos, accompagnées de légendes poignantes, rappellent la fragilité de la paix et la nécessité de ne jamais oublier les horreurs passées.

La fin d’une époque

En décembre 1975, après près de huit décennies de publication, "Le Patriote illustré" cesse définitivement de paraître. Cette disparition marque la fin d’une époque, celle des grands hebdomadaires familiaux qui ont accompagné des générations de Belges. Aujourd’hui, consulter un exemplaire de ce magazine, c’est replonger dans un monde révolu, où chaque page, chaque illustration, résonne avec une certaine nostalgie. Les événements, grands ou petits, qui ont marqué l’histoire de la Belgique et du monde y sont relatés avec un style unique, reflet d’une époque où le temps semblait s’écouler à un rythme bien différent.

Pour les passionnés d’histoire et de patrimoine, les anciens numéros de "Le Patriote illustré" sont de véritables trésors. Ils offrent non seulement un regard sur le passé, mais aussi une compréhension des mentalités et des valeurs de l’époque. Les consulter, c’est non seulement revivre des moments clés de l’histoire, mais aussi redécouvrir une forme de journalisme qui privilégiait le visuel, la famille, et l’ancrage dans la société belge, un journalisme aujourd’hui bien loin des préoccupations modernes.