L’histoire du papier commence bien avant notre ère, au cœur de la Chine antique. C’est aux alentours de 150 av. J.-C....
Les Contes de Perrault illustrés par Gustave Doré, une prouesse technique et artistique du XIXe siècle.
En 1861, l'éditeur Pierre-Jules Hetzel publie une édition luxueuse des Contes de Perrault, magnifiquement illustrée par Gustave Doré. Cette publication intervient dans un contexte où la production de livres et d'images est en pleine mutation grâce aux avancées techniques de l'imprimerie et de l'industrialisation. Ce livre, au format in-folio, est enrichi de quarante illustrations hors-texte réalisées par Doré en seulement quelques semaines.
Le processus de création des illustrations
Les documents conservés principalement à la Bibliothèque nationale de France et au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg offrent un éclairage précieux sur le processus de production des illustrations de Doré, l'un des illustrateurs les plus célèbres du XIXe siècle.
Les dessins : des compositions directes sur bois
Gustave Doré, connu pour sa rapidité et sa précision, ne réalisait pas d’esquisses préliminaires sur papier. Selon sa biographe, il préférait dessiner directement sur des blocs de bois préparés avec du blanc de céruse et du plâtre, facilitant ainsi un tracé aussi précis que sur du papier. Doré utilisait des planches d'environ 25 x 20 cm et dessinait à l'envers, anticipant l'image inversée après gravure et impression. Cette méthode permettait de gagner un temps considérable, car elle éliminait l'étape du report du dessin par les graveurs.
L'ordre de création des illustrations
Il est supposé que Doré a commencé par dessiner Le Petit Chaperon rouge et Le Petit Poucet, respectant ainsi l'ordre des contes dans l'édition de Hetzel. Cependant, selon les témoignages, Doré travaillait souvent sur plusieurs dessins simultanément, ce qui suggère une méthode de travail plus flexible et intuitive.
La photographie : un outil de mémoire et de publicité
Une fois quelques dessins terminés, ils étaient envoyés à Hetzel pour être photographiés. Cette étape permettait de conserver une mémoire des dessins avant la gravure. Hetzel, avec l'accord de Doré, faisait appel à Nadar pour la photographie des bois, bien que, pour des raisons de disponibilité et de coût, il sollicitât également Charles Michelez.
Les retouches et l'interprétation des graveurs
Les photographies des dessins de Doré témoignent des retouches apportées durant le processus de gravure. Par exemple, des modifications subtiles, comme l'ajout de besicles et d'une tabatière sur le dessin du Petit Chaperon rouge, montrent l'évolution du travail de Doré et des graveurs. Les photographies montrent aussi la fidélité au dessin original et les interprétations personnelles des graveurs, influençant parfois les expressions et les détails des personnages.
La gravure : une collaboration artistique
Les dessins de Doré étaient ensuite gravés sur bois par plusieurs artistes. François Pannemaker, recommandé par Doré, était responsable de treize planches, tandis que d'autres graveurs, comme les frères Pisan, contribuaient également à l'œuvre. Cette large collaboration nécessitait une coordination rigoureuse pour respecter les délais de publication, particulièrement en vue des étrennes.
Le tirage des épreuves et la mise en page
Une fois les bois gravés, des épreuves étaient tirées pour permettre à Doré de vérifier les retouches nécessaires. Ces épreuves servaient également à la production d'estampes artistiques, souvent exposées avant la publication de l'ouvrage.
L'impression finale utilisait des clichés galvanoplastiques pour éviter l'usure des bois originaux. Ce procédé permettait une impression de haute qualité et facilitait les tirages multiples, y compris pour les éditions étrangères.
L'assemblage du livre et les défis de la pagination
L'assemblage des planches et des pages de texte se faisait sur onglet, une méthode nécessitant des ajustements pour éviter le maculage. La table des compositions indiquait les numéros de pages, mais des décalages entre les illustrations et le texte étaient fréquents. Ces décalages, bien que parfois incongrus, répondaient à des choix éditoriaux visant à équilibrer visuellement l'ouvrage.
Un livre remarquable
La publication des Contes de Perrault illustrés par Gustave Doré en 1861 est un exemple remarquable de l'art et de la technique de l'illustration au XIXe siècle. Ce projet ambitieux, rendu possible grâce à l'industrialisation de l'imprimerie et à une collaboration artistique étroite, a permis de créer une œuvre qui demeure une référence dans l'histoire du livre illustré. Les choix techniques et artistiques de Doré, ainsi que les défis de production, montrent l'importance de chaque étape dans la réalisation d'un ouvrage de cette envergure, soulignant la richesse et la complexité du processus créatif de l'époque.
Fig. 5a. G. Doré ; H. Pisan, La Barbe bleue, « S'il vous arrive de l'ouvrir, il n'y a rien que vous ne deviez attendre de ma colère », 1861, gravure sur bois de bout, 24, 5 x 19,5 cm. BnF Réserve des livres rares, Rés Y2-179. Source : Gallica
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