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Les Loménie : une famille ancrée dans l’histoire et les lettres.
Toutes les branches de la famille de Loménie trouvent leur origine dans la terre de Loménie, située à Flavignac, en Haute-Vienne. Ce domaine, près de l’« orme de la croix », est immortalisé dans les armoiries familiales : « d’or, à l’arbre de sinople sur un tourteau de sable, au chef d’azur, chargé de trois losanges d’argent ». Parmi les lignées les plus remarquables se démarque la branche des Loménie de Brienne, issue du mariage de Henri-Auguste de Loménie (1595-1666) avec Louise de Béon, qui apporta en dot le comté de Brienne, dans l’Aube, en 1623.
L’archevêque-bénéfacteur : Étienne-Charles de Loménie de Brienne
Né à Paris le 9 octobre 1727, Étienne-Charles de Loménie de Brienne devint docteur de la Sorbonne en 1752, avant d’être consacré évêque de Condom en 1760, puis archevêque de Toulouse en 1763. Son épiscopat à Toulouse fut marqué par un profond dévouement à l’embellissement et au développement de la capitale du Languedoc. Sous sa direction, assisté par l’ingénieur Saget, des projets ambitieux furent lancés, dont le canal de Brienne, reliant la Garonne à l’immortel ouvrage de Riquet. Ce prélat visionnaire rêva de transformer l’île de Tounis en une promenade d’été et d’établir de belles usines le long du canal.
Dans le domaine éducatif et culturel, il dota les bibliothèques publiques créées par l’abbé d’Héliot et instaura des chaires de chimie et de physique expérimentale. Malgré son départ pour l’archevéché de Sens et son accession au poste de premier ministre en 1788, il ne cessa de favoriser Toulouse, bien qu’aucune statue ne lui fut érigée pour honorer ses contributions.
Un homme d’esprit dans le tourbillon des événements
Reconnus par les philosophes pour son intelligence et ses talents d’administrateur, Étienne-Charles fut élu à l’Académie française en 1770. En 1787, il accéda au poste de contrôleur-général des finances, mais sa politique de réformes fiscales le mit en conflit avec le Parlement et l’opinion publique, ce qui mena à son remplacement par Necker en 1788. Nommé cardinal et archevêque de Sens par le roi, il fut toutefois pris dans les tourments de la Révolution française. Arrêté en 1793, il obtint d’abord la permission de rentrer chez lui, mais fut de nouveau appréhendé le 30 pluviôse an II (18 février 1794). Maltraité par ses geôliers, il mourut dans son lit le lendemain.
Une bibliothèque exceptionnelle : reflet d’une vie cultivée
Grand amateur de lettres, l’archevêque de Sens réunit une riche et curieuse bibliothèque, composée d’ouvrages rares et précieux. Parmi ses trésors figuraient des incunables, des éditions de Mayence du XVe siècle et d’autres textes demeurés longtemps inconnus. Cette collection fut cataloguée par le Père François-Xavier Laire dans l’« Index librorum ab inventa typographia ad annum 1500 », publié en 1791 en deux volumes. Guillaume De Bure « l’aîné » réalisa un troisième catalogue en 1792, qui répertoriait des ouvrages tout aussi exceptionnels : éditions de Baskerville, Didot, Bodoni, manuscrits richement enluminés, et cartes marines rares.
La dispersion d’un patrimoine inestimable
Malgré l’importance de cette bibliothèque, personne ne s’en porta acquéreur en totalité. Une vente détaillée débuta le 12 mars 1792, à l’Hôtel de Bullion à Paris. Le produit de cette vente atteignit 106 324 livres, une somme considérable pour l’époque. En 1797, le reste des ouvrages fut vendu à l’Hôtel de Brienne, aujourd’hui ministère de la Défense, situé rue Saint-Dominique. Les livres portaient souvent les armes du cardinal : « Écartelé : aux 1 et 4, d’or, à deux vaches passantes de gueules… ».
Un legs qui traverse les siècles
L’histoire des Loménie, et notamment celle de Étienne-Charles de Loménie de Brienne, illustre la confluence entre culture, politique et religion dans la France des Lumières et de la Révolution. Leur patrimoine intellectuel, à travers une bibliothèque qui révèle l’érudition et la curiosité de cette famille, reste un témoignage vibrant d’une époque fascinante.
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