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Les secrets du roman gothique : entre horreur, mystère et fascination littéraire.
Le roman gothique est un genre littéraire fascinant, né en Angleterre au XVIIIᵉ siècle. Il se distingue par une atmosphère sombre, des intrigues hantées par le surnaturel et des récits où l’horreur côtoie le sublime. Le texte fondateur de ce genre est Le château d’Otrante d’Horace Walpole, publié en 1765, rapidement traduit en français en 1767. Ce roman marque le début d’une ère où la littérature se plonge dans des récits emplis de mystères et d’émotions fortes, sur fond d’architecture gothique et de surnaturel explicite.
Origines et caractéristiques du roman gothique
Le roman gothique est un genre qui prend ses racines dans l'intérêt grandissant pour l'architecture gothique, qui influença d'ailleurs Horace Walpole dans l'écriture de Otrante. Walpole, passionné par cette esthétique, fit construire un château dans ce style, Strawberry Hill, une demeure qui deviendra un modèle de l’architecture néo-gothique en Angleterre. Cette passion pour l'ancien, pour les ruines, les cathédrales délabrées et les châteaux lugubres, se retrouve dans les récits gothiques, souvent ponctués de souterrains, de donjons et de décors terrifiants.
Les intrigues des romans gothiques mettent en scène des personnages tourmentés, souvent des héroïnes en proie à des forces maléfiques. Les protagonistes se retrouvent enfermés dans des lieux sombres, victimes de conspirations, de violences ou de forces surnaturelles. Les figures du prêtre dévoyé, de l’aristocrate cruel ou du fantôme vengeur sont des figures récurrentes de ce genre. En effet, derrière les murs des châteaux, les secrets familiaux, les trahisons et les malédictions s'accumulent.
Le roman gothique se distingue aussi par son rapport au surnaturel. Si certains auteurs, comme Anne Radcliffe, préfèrent expliquer rationnellement les événements étranges de leurs récits, d'autres, comme Lewis et Maturin, plongent leurs personnages et leurs lecteurs dans un univers où le surnaturel est bien réel et inquiétant.
Les auteurs incontournables du genre
Parmi les grands noms du roman gothique, trois se détachent en particulier : Anne Radcliffe, Matthew Gregory Lewis et Charles Robert Maturin.
Anne Radcliffe : Auteure de Les mystères d’Udolphe (1794), elle est probablement la figure la plus influente du genre. Radcliffe excelle dans l’art de créer une atmosphère de tension croissante, jouant sur le doute et les apparences. Ses récits, comme celui d’Udolphe, sont remplis de paysages grandioses, de châteaux imposants, mais elle introduit souvent des explications rationnelles aux événements apparemment surnaturels, ce qui la différencie de ses contemporains.
Matthew Gregory Lewis : Son roman Le Moine (1796) est considéré comme l’un des textes les plus puissants du genre gothique. Contrairement à Radcliffe, Lewis ne cherche pas à expliquer les phénomènes surnaturels. Le Moine est une descente vertigineuse dans la noirceur de l’âme humaine. Ambrosio, le personnage principal, est un moine capucin dont la chute, provoquée par son orgueil et ses tentations, est orchestrée par les forces démoniaques. Ce récit audacieux et effrayant a été une source d’angoisse pour des générations de lecteurs. Les éditions anciennes de ce texte, notamment celles publiées par Maradan en 1797, sont aujourd'hui très recherchées par les collectionneurs, en particulier les exemplaires illustrés.
Charles Robert Maturin : Melmoth, l’homme errant (1820) est souvent considéré comme le chant du cygne du roman gothique. Ce récit, d'une incroyable profondeur, explore la damnation éternelle et la quête de rédemption impossible. L’histoire de Melmoth, un homme qui a vendu son âme au diable et tente de trouver quelqu’un pour prendre sa place, a marqué la littérature. Ses autres œuvres, telles que Montorio (1822), sont moins connues, principalement en raison de la rareté des éditions originales, mais elles n'en restent pas moins des contributions significatives au genre.
L’héritage des éditions anciennes
L’un des aspects fascinants du roman gothique, pour les bibliophiles, réside dans la rareté et la diversité des éditions anciennes. Par exemple, les premières éditions de Le Moine sont souvent au cœur de débats entre collectionneurs. Les exemplaires originaux, publiés en 1797 par Maradan, existent en plusieurs formats, certains avec des gravures, d'autres sans. Les exemplaires avec des gravures sont particulièrement prisés, même s'ils ne sont pas aussi rares que ceux de Melmoth ou de Frankenstein (1821).
Le cas de Les mystères d’Udolphe est tout aussi complexe. Publié la même année que Le Moine, ce roman connaît différentes versions, certaines avec des illustrations, d'autres sans. Les éditions illustrées, en particulier celles comportant des gravures de Challiou, sont très recherchées. Il existe même des exemplaires qui semblent avoir été modifiés par des lecteurs de l’époque, qui insérèrent des gravures d’une autre édition dans leur propre volume, créant ainsi des objets uniques.
Le roman gothique et les surréalistes
L'attrait du roman gothique ne s’est pas limité au XVIIIᵉ siècle. Au XXᵉ siècle, les surréalistes redécouvriront ces œuvres et leur puissance évocatrice. En particulier, Le Moine et Melmoth deviendront des sources d'inspiration pour des écrivains et artistes surréalistes, séduits par l'atmosphère onirique et l'exploration des profondeurs de l'âme humaine présentes dans ces textes.
Le roman gothique, bien que souvent relégué à un genre mineur par certains critiques, a marqué profondément l’histoire de la littérature. Ses récits, où le mystère, la terreur et le sublime se mêlent, continuent de captiver les lecteurs. Que ce soit à travers les héroïnes prisonnières de châteaux sombres, les prêtres corrompus ou les fantômes vengeurs, le gothique interroge nos peurs les plus profondes. Les éditions anciennes de ces romans, rares et précieuses, constituent des trésors littéraires, témoins d'une époque où la littérature se faisait l'écho des tourments de l'âme humaine et de l’inconnu qui nous entoure.
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