Les œuvres de William Shakespeare continuent de réserver des surprises, même plusieurs siècles après leur rédaction....
Quand les romans deviennent des bandes dessinées : une relecture graphique des classiques littéraires.
L’adaptation de romans en bande dessinée est un phénomène qui prend de l’ampleur depuis plusieurs décennies. Cette transformation d’une œuvre littéraire en récit graphique permet de redonner vie aux textes classiques, d’offrir une nouvelle perspective aux lecteurs et de toucher un public plus large. Entre fidélité au texte d’origine et liberté artistique, ces adaptations constituent un véritable exercice de style où l’image se met au service du récit.
Un moyen de transmission culturelle et littéraire
Les romans adaptés en bande dessinée offrent une passerelle entre la littérature et le neuvième art. Nombre de lecteurs découvrent ainsi des classiques qu’ils n’auraient peut-être jamais abordés sous leur forme originelle. La bande dessinée permet en effet de rendre certains textes plus accessibles, notamment grâce à l’impact visuel des planches et à la narration graphique qui allège la densité du texte initial.
Parmi les œuvres adaptées avec succès, on peut citer Les misérables de Victor Hugo, transposé en BD par différentes maisons d’édition, dont l’interprétation par Christophe Gaultier qui a su capturer l’intensité du roman à travers un trait expressif et une mise en scène immersive.
Fidélité et réinterprétation : un équilibre subtil
Adapter un roman en bande dessinée nécessite des choix narratifs et artistiques importants. Si certains auteurs s’efforcent de suivre scrupuleusement le texte original, d’autres prennent plus de liberté en réinterprétant certains passages ou en condensant l’intrigue pour mieux s’adapter au format graphique.
Par exemple, l’adaptation de Germinal d’Émile Zola par Philippe Chanoinat et Jean-Michel Darlot propose une version illustrée qui, tout en respectant la trame du roman, adopte un langage visuel puissant pour retranscrire l’atmosphère sombre et oppressante des mines de charbon. De même, Le tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne a fait l’objet de nombreuses versions en bande dessinée, certaines restant très fidèles au texte tandis que d’autres modernisent le récit ou modifient la dynamique des personnages.
Un enrichissement par le graphisme
La bande dessinée ne se contente pas de transposer un texte en images, elle en offre une lecture nouvelle et parfois surprenante. Le choix du style graphique, des couleurs et du découpage joue un rôle essentiel dans la façon dont l’histoire est perçue. Ainsi, l’adaptation de L’Étranger d’Albert Camus par Jacques Ferrandez propose une approche picturale qui sublime l’ambiance méditerranéenne du roman tout en accentuant la froideur du personnage principal, Meursault.
Les ambiances visuelles peuvent également jouer sur la symbolique et enrichir l’interprétation d’une œuvre. Dans Candide de Voltaire revisité par Joann Sfar, le trait vif et expressif de l’auteur confère à ce conte philosophique un dynamisme et une légèreté qui contrastent avec la gravité des événements relatés.
Pierre Lemaître et Sorj Chalandon : des romanciers adaptés en BD
Pierre Lemaître et Sorj Chalandon sont des romanciers qui ne détestent pas voir leurs phrases mises en images. Du premier, Christian de Metter adapte Le Grand Monde. Du second, Sébastien Gnaedig et Isabelle Merlet ont choisi Enfant de salaud.
Le Grand Monde, une famille dans l'histoire
Nous sommes en 1948. L’histoire se déroule parallèlement à Paris et en Indochine. Ici et là, Christian de Metter irrigue ses pages d’une noirceur qui colle à l’esprit de la saga familiale de Pierre Lemaître qui n’en finit pas de rebondir de drames en drames. On sent la plume sèche du dessinateur crisser sur le papier. Dessus, de Metter pose une palette de couleurs froides. Il excelle dans le jeu d’acteurs. D’un simple regard, les personnages incarnent la honte ou le mépris, la violence ou l’abattement.
Christian de Metter n’en est pas à sa première rencontre avec Pierre Lemaître. On lui doit déjà l’adaptation de la précédente trilogie du romancier : Les Enfants du désastre. Sa vision du premier volume, Au revoir là-haut – qui valut à Pierre Lemaître le prix Goncourt 2013 – était si intense et inventive qu’on en avait clairement retrouvé la trace dans le film qu’Albert Dupontel a tiré du roman.
Les trois volumes suivants de la tétralogie Les Années Glorieuses devraient paraître en bandes dessinées à un rythme soutenu, toujours signés par Christian de Metter, aux éditions Rue de Sèvres.
Enfant de salaud, l'obsession du père
Enfant de salaud est le sixième livre de Sorj Chalandon à passer à la bande dessinée. Et le second pour le dessinateur Sébastien Gnaedig qui avait déjà adapté Profession du père. Le père, la grande affaire de Sorj Chalandon ! Un père violent et mythomane, détestable, que le journaliste écrivain retrouve ici au moment du procès du nazi Klaus Barbie, en 1987. Venu couvrir le procès, Chalandon tente, en même temps, de comprendre le parcours de son paternel pendant la Seconde guerre mondiale.
De son côté, Sébastien Gnaedig croque des personnages très simples, des décors épurés. Ce graphisme minimal installe une distance bienvenue avec l’âpreté du propos. Ajoutons que la BD doit beaucoup à la très subtile mise en couleurs d’Isabelle Merlet.
Enfant de salaud est publié aux éditions Futuropolis.
Un succès croissant auprès du public et des éditeurs
Face à l’engouement du public pour ces adaptations, de nombreux éditeurs ont développé des collections dédiées aux classiques littéraires en bande dessinée. C’est le cas de Delcourt avec sa collection « Ex-libris », ou encore de Gallimard avec « Futuropolis », qui revisite les grandes œuvres du patrimoine littéraire français et international.
Ce succès s’explique par plusieurs facteurs : le plaisir de redécouvrir une œuvre sous un format plus visuel, l’attrait des lecteurs jeunes pour la BD, mais aussi l’intérêt pédagogique qu’elle suscite. De nombreux enseignants utilisent ces adaptations pour initier leurs élèves à la littérature et faciliter la compréhension de textes parfois ardus.
Un avenir prometteur pour les adaptations littéraires en BD
Les romans adaptés en bande dessinée ne cessent de se multiplier, offrant aux lecteurs des œuvres hybrides à la croisée de la littérature et de l’illustration. Cet intérêt grandissant pour les adaptations littéraires en BD témoigne de la richesse du neuvième art et de sa capacité à réinventer les récits d’hier pour les générations d’aujourd’hui et de demain.
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