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Renaissance littéraire et dynamisme éditorial : l'âge d'or de l'édition française après la Première Guerre mondiale.
La Première Guerre mondiale a imposé un ralentissement sévère à la production littéraire, mais dès 1918, une renaissance éditoriale s'amorce avec force. Les maisons d'édition littéraires, telles que Gallimard et Grasset, deviennent alors les moteurs de cette nouvelle dynamique.
Avant la guerre, les années 1890 avaient vu de nombreuses inquiétudes exprimées dans les journaux sur l'état du marché du livre. Le nombre de nouveaux titres diminuait et les librairies se raréfiaient, mais ces phénomènes, en rétrospective, apparaissent comme des ajustements nécessaires après cinquante ans de bouleversements structurels et de production explosive. Une fois cette crise passée, la stabilité revient, et de nouvelles grandes collections populaires sont lancées avec succès : « Modern-Bibliothèque » (1904) et « Livre populaire » (1905) chez Fayard, « Idéal-Bibliothèque » (1910) chez Lafitte, et « Select-Collection » (1914) chez Flammarion.
La Première Guerre mondiale cause un arrêt quasi total de la production littéraire au second semestre de 1914. La mobilisation des auteurs et du personnel, les difficultés d'approvisionnement en papier et la désorganisation des transports ferroviaires constituent autant d'obstacles. La production reprend lentement à partir de 1915, mais les éditeurs font face à l'inflation des coûts des matières premières et des salaires, qu'ils répercutent sur le prix des livres à partir du 1er août 1917. La période de l’édition courante à 3,50 francs, établie depuis les années 1840, prend ainsi fin.
Dans ce contexte difficile, les éditeurs se tournent largement vers les rééditions. La littérature de guerre, initialement jugée nécessaire, suscite vite la lassitude du public. En 1917, les lecteurs plébiscitent "Le Feu" d’Henri Barbusse, avec 300 000 exemplaires vendus en trois ans, témoignant d'un intérêt pour une vision critique de la guerre, loin des récits d'évasion.
Entre les deux guerres, l'édition littéraire connaît une vitalité remarquable, marquée par l'émergence de jeunes maisons d'édition. Le Mercure de France, dominant avant 1914, voit son influence diminuer au profit de nouvelles maisons comme Gallimard et Grasset, qui prospèrent grâce à une nouvelle génération d'écrivains.
Gallimard, sous l'égide de Gaston Gallimard, prend son essor en 1919, après s'être affranchi de la Nouvelle Revue française. Gaston Gallimard, avec son comité de lecture composé de personnalités telles que Jean Paulhan et Benjamin Crémieux, parvient à attirer des talents littéraires de renom. Il se montre généreux et patient avec les auteurs, ce qui lui permet d'enrichir son catalogue avec des figures majeures de la littérature de l'entre-deux-guerres comme André Malraux, Jean-Paul Sartre, et des écrivains étrangers tels que Faulkner et Hemingway.
Grasset, en revanche, adopte une approche différente. Sans relations dans le milieu littéraire parisien, Bernard Grasset mise sur la publicité pour attirer l'attention. Ses campagnes pour le prix Goncourt et ses stratégies de promotion innovantes, comme celle menée pour Raymond Radiguet, lui permettent d'obtenir des succès significatifs. Toutefois, sa difficulté à fidéliser les auteurs de renom et à créer une légitimité littéraire solide le distingue de Gallimard.
La concurrence entre Gallimard et Grasset laisse peu de place aux autres jeunes éditeurs. Les surréalistes, par exemple, trouvent refuge dans de petites maisons comme le Sans-Pareil et les Éditions surréalistes.
Stock, Delamain et Boutelleau se spécialisent dans la littérature étrangère, créant des collections comme le "Cabinet cosmopolite", qui accueille des auteurs prestigieux comme Virginia Woolf et Thomas Mann. D'autres éditeurs, tels que Plon avec "Feux croisés" et Albin Michel avec "Grandes Traductions", contribuent également à cette diversification littéraire.
La littérature de grande diffusion continue de prospérer chez les grands éditeurs généralistes. Albin Michel, par exemple, se distingue avec des succès populaires comme "L’Atlantide" de Pierre Benoit. Les romans sentimentaux et d'aventures exotiques, souvent publiés en fascicules hebdomadaires, connaissent un grand succès auprès du public, avec des auteurs comme Georges Simenon qui traversent les frontières des maisons d'édition.
En conclusion, la période suivant la Première Guerre mondiale est marquée par une reprise vigoureuse de l'édition littéraire, pilotée par des maisons dynamiques comme Gallimard et Grasset. La diversité des collections et l'émergence de nouveaux talents assurent une richesse et une vitalité à la scène littéraire française, posant les bases d'une tradition éditoriale qui perdure encore aujourd'hui.
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