C’est une véritable œuvre d’art, un joyau de papier aussi rare que somptueux, qui s’apprête à prendre la lumière :...
Jules Verne : une source d’inspiration inépuisable pour la bande dessinée.
Depuis plus d’un siècle, l’œuvre de Jules Verne n’a cessé de nourrir l’imaginaire collectif. Si ses romans ont été adaptés au cinéma, à la télévision ou encore sur les planches de théâtre, c’est dans le domaine de la bande dessinée que son influence a connu un rayonnement particulièrement riche et varié. En se prêtant aux déclinaisons graphiques, ses récits visionnaires ont offert aux illustrateurs un matériau exceptionnel, oscillant entre fidélité aux textes et relectures audacieuses.
Les premières adaptations graphiques : des images d’Épinal à la BD jeunesse
Les premières adaptations des œuvres de Jules Verne remontent à la fin du XIXe siècle avec les célèbres images d’Épinal, publiées par la famille Pellerin. Ces illustrations résumaient certains romans majeurs comme Cinq semaines en ballon ou Voyages et aventures du capitaine Hatteras. Destinées à un public populaire, elles condensent l’intrigue des récits tout en traduisant visuellement le merveilleux technologique propre à Verne.
Le XXe siècle voit les romans de Verne entrer dans l’univers de la bande dessinée jeunesse, notamment en France avec des publications dans des revues comme Lisette ou Spirou. Bien que ces adaptations soient souvent simplifiées pour convenir à un jeune lectorat, elles permettent de perpétuer la fascination pour l’univers vernien. Ces récits étaient parfois fantaisistes, comme l’explique Philippe Burgaud dans Jules Verne en 60 ans de bandes dessinées, mais participaient à diffuser son œuvre auprès d’un public élargi.
Les adaptations américaines et européennes : le succès des Classics Illustrated
L’internationalisation de l’œuvre de Verne prend une nouvelle dimension avec les séries américaines comme les Classic Comics, lancées en 1941 et renommées plus tard Classics Illustrated. Ces bandes dessinées, qui adaptent des classiques littéraires, incluent plusieurs œuvres majeures de Verne telles que Vingt mille lieues sous les mers, L’Île mystérieuse ou Le Tour du monde en quatre-vingts jours. Ces séries, publiées aux États-Unis, ont rapidement conquis l’Europe, avec des traductions en suédois, danois, néerlandais et espagnol.
Dans les années 1970, les éditions espagnoles Bruguera se distinguent en publiant une collection quasi exhaustive des romans de Verne sous forme de bandes dessinées, contribuant à diffuser ses récits auprès d’un nouveau lectorat hispanophone.
Les grandes adaptations françaises : fidélité et créativité
En France, l’adaptation des œuvres de Jules Verne connaît un essor remarquable dès les années 1970. Certains dessinateurs marquent profondément cet univers par leur style et leur vision. Parmi eux, Marcel Uderzo, frère du célèbre Albert Uderzo, a signé des versions marquantes de Vingt mille lieues sous les mers, L’Île mystérieuse et De la Terre à la Lune. Ces œuvres restent proches de l’original tout en apportant une touche personnelle dans le graphisme et la narration.
D’autres adaptations notables incluent Voyage au centre de la Terre par Renato Polese (1978) et Le Tour du monde en 80 jours d’Yvon Le Gall (1980). Les publications dans des magazines comme Pif Gadget contribuent également à populariser Verne. Les adaptations de François Bourgeon dans Le Serpent de mer et Le Secret de Wilhelm Storitz témoignent de la richesse visuelle et narrative que l’univers vernien peut offrir.
Variations autour de Jules Verne : le steampunk en héritage
Plus encore que les adaptations fidèles, ce sont les variations et réinterprétations qui mettent en lumière l’influence durable de Jules Verne. Les récits de Verne, riches en machines fantastiques et en inventions futuristes, ont directement inspiré le courant steampunk, un sous-genre de la science-fiction qui revisite l’ère industrielle avec un imaginaire rétrofuturiste.
Dans ce contexte, des œuvres comme La Ligue des gentlemen extraordinaires d’Alan Moore et Kevin O’Neill (2001) mettent en scène des personnages empruntés à Verne, comme le capitaine Nemo, dans un cadre victorien aux inventions délirantes. De même, les bandes dessinées d’Edgar P. Jacobs, avec des séries comme Blake et Mortimer, puisent dans l’univers vernien pour imaginer des mondes oubliés et des engins spectaculaires.
Dans les années 1970, Jacques Tardi crée Le démon des glaces, une œuvre qui s’inspire directement de Voyages et aventures du capitaine Hatteras et de Vingt mille lieues sous les mers. Avec un style graphique rappelant les gravures des éditions Hetzel, Tardi rend un hommage explicite à l’esthétique vernienne tout en y ajoutant une touche personnelle et poétique.
Jules Verne, personnage et inspiration dans la BD moderne
Certains auteurs vont jusqu’à intégrer Jules Verne lui-même comme personnage central de leurs récits. François Schuiten et Benoît Peeters, créateurs de la série Les Cités obscures, en font un protagoniste dans L’Enfant penché. Schuiten, grand admirateur de Verne, illustre également le roman posthume Paris au XXe siècle en 1995, offrant une relecture graphique d’une œuvre restée longtemps inédite.
Dans le registre de la parodie, des bandes dessinées comme Mystérieuse matin, midi et soir de Jean-Claude Forest transposent les récits verniens dans des univers absurdes ou décalés. Cet album mélange l’univers de L’Île mystérieuse avec celui de Barbarella, aboutissant à une relecture audacieuse et irrévérencieuse de Verne.
Hergé et Jules Verne : inspirations croisées
L’influence de Jules Verne se retrouve également dans l’œuvre de Hergé, créateur de Tintin. Si Hergé a nié avoir lu Verne dans sa jeunesse, les similitudes entre les aventures de Tintin (Objectif Lune, On a marché sur la Lune) et des romans comme De la Terre à la Lune sont frappantes. Des personnages comme Tryphon Tournesol rappellent des figures verniennes telles que Palmyrin Rosette dans Hector Servadac. Ces correspondances enrichissent un imaginaire collectif où Verne et Hergé se croisent, devenant des ambassadeurs universels de l’évasion.
L’empreinte vernienne dans la bande dessinée contemporaine
L’impact de Jules Verne sur la bande dessinée contemporaine ne se limite pas aux adaptations directes. De nombreux auteurs continuent de s’inspirer de son imaginaire pour créer des œuvres originales. Ainsi, des séries comme Hauteville House (Fred Duval et Thierry Gioux) ou Kenya (Rodolphe et Léo) empruntent des éléments narratifs et visuels caractéristiques de Verne, notamment ses inventions futuristes et ses explorations exotiques.
Le Festival Jules Verne, qui se tient chaque année au Grand Rex à Paris, souligne cette influence en décernant un prix à la meilleure bande dessinée fantastique. Ce prix célèbre les auteurs qui, à travers leur créativité, prolongent l’héritage littéraire et visuel de Jules Verne.
Une inspiration inépuisable
La bande dessinée a su trouver dans l’œuvre de Jules Verne une source intarissable d’inspiration. Que ce soit par des adaptations fidèles, des variations audacieuses ou des réinterprétations modernes, les récits de Verne continuent de vivre à travers les cases et les bulles des illustrateurs du monde entier. Son univers, mêlant science, aventure et imagination, reste un terrain fertile pour explorer les possibles et repousser les frontières de la fiction. Jules Verne, visionnaire de son temps, est aujourd’hui une pierre angulaire de l’imaginaire graphique.
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