C’est un trésor d’enluminure et de dévotion qui surgit du silence des siècles : un Psalterium & Breviarium en...
L'histoire de la collection dans l'édition de bande dessinée.
L'apparition des collections dans l'univers de la bande dessinée remonte presque aux origines mêmes du médium, avec des figures emblématiques comme Rodolphe Töpffer. En 1847, l'éditeur Aubert, en publiant son douzième album de bande dessinée, décide de regrouper l'ensemble des titres publiés sous la bannière de la "collection des Jabots". Ce geste symbolique cherche à établir une filiation avec les œuvres de Töpffer, soulignant ainsi l'influence prépondérante de ce dernier sur la bande dessinée naissante.
Le contexte industriel du XIXe siècle
Le "moment Töpffer" coïncide avec une période de transformation industrielle et de rationalisation de la production du livre. L'apparition des collections, avec des formats, présentations et prix standardisés, constitue l'un des phénomènes majeurs de l'édition au XIXe siècle. Cependant, cette structuration par collections ne devient réellement prédominante dans la bande dessinée qu'à la fin du XXe siècle. L'analyse de cette adoption tardive du principe de collection met en lumière la place unique qu'occupe la bande dessinée dans l'espace éditorial franco-belge.
La collection littéraire : un modèle inspirateur
En France, le concept de collection émerge d'abord dans le domaine littéraire. En 1838, Gervais Charpentier lance la "Bibliothèque Charpentier", utilisant le format innovant de l'in-18 jésus. Charpentier regroupe sous un même label une sélection d'ouvrages, affirmant ainsi la cohérence et la vision éditoriale de sa maison. La collection, ainsi conçue, répond à une double fonction : interne, en constituant une "conscience de soi" pour l'éditeur, et externe, en fournissant aux lecteurs un repère clair au sein de la production éditoriale.
La collection et la bande dessinée : une adoption tardive
Alors que les collections littéraires deviennent courantes, l'édition de bande dessinée ne suit cette tendance qu'à partir des années 1970. À cette époque, la production d'albums de bande dessinée explose, rendant nécessaire l'adoption de la collection pour des raisons industrielles et commerciales. La collection permet de regrouper les commandes de papier, d'optimiser les processus de reliure et d'imprimer plusieurs couvertures simultanément. Elle joue également un rôle crucial dans la promotion, facilitant la mise en avant d'un ensemble de volumes plutôt que d'un seul titre.
Les pionniers et les usages variés des collections
Dans l'entre-deux-guerres, Dupuis structure sa production de romans populaires en collections identifiées par des codes couleur, mais ne transpose pas immédiatement ce principe à ses albums de bande dessinée. Les seuls regroupements significatifs sont alors les séries et le lien avec le journal Spirou. Ce n'est qu'en 1972 que Dupuis mentionne pour la première fois une véritable collection, avec "Album Okay".
Les éditions du Lombard, à Bruxelles, adoptent précocement la collection, mais leur approche reste floue, structurant leur catalogue principalement par le principe de la série. Fleurus, en revanche, se distingue par une structuration fine de son catalogue dès les années 1950, adoptant le principe de la collection pour assembler des récits centrés sur le message évangélique. Fleurus propose trois principales collections : les "albums Fleurette", les "albums Fleurdor" et les "albums Fleurus", chaque collection étant destinée à une tranche d'âge spécifique.
La banalisation des collections à partir des années 1970
À partir du milieu des années 1970, la collection devient un élément central de la stratégie éditoriale des maisons de bande dessinée. Les collections se multiplient, répondant aux contraintes d'un marché saturé et aux stratégies de distinction des éditeurs. Les grandes maisons restructurent leur catalogue pour offrir aux titres regroupés en collections une plus grande visibilité. Parallèlement, les nouveaux venus sur le marché, comme Artefact ou Jacques Glénat, construisent leur identité éditoriale autour de collections spécifiques.
La segmentation du marché et l'affirmation de l'identité éditoriale
Dans les années 1980, alors que l'usage de la collection se généralise, les éditeurs adoptent différentes logiques pour structurer leurs catalogues. Certains regroupent les titres par genre ("Western" chez Dargaud, "Thriller" chez Albin Michel), tandis que d'autres se concentrent sur des segments de marché spécifiques, comme la biographie religieuse chez Fleurus. Les éditeurs indépendants, comme L'Association et Cornélius, utilisent également les collections pour affirmer leur identité et leur positionnement alternatif sur le marché.
Conclusion
La collection dans l'édition de bande dessinée est un instrument polyvalent, capable de structurer une édition standardisée et d'affirmer une identité distincte. Son adoption tardive reflète la singularité de la bande dessinée dans le paysage éditorial français, tandis que sa banalisation récente témoigne de l'évolution du marché et de l'influence des pratiques alternatives. Aujourd'hui, la collection demeure un outil essentiel pour les éditeurs, permettant de segmenter le lectorat et de se distinguer dans un marché de plus en plus concurrentiel.
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