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La place des femmes dans la bande dessinée de science-fiction en France : une invisibilisation historique et contemporaine.
La science-fiction, souvent appelée SF, occupe une place centrale dans l'univers de la bande dessinée (BD). À travers les années, des auteurs comme Moebius, Jodorowsky, et d'autres, se sont imposés comme des références incontournables dans ce domaine, en particulier grâce à des publications majeures comme Métal Hurlant. Cependant, lorsqu'il s'agit de parler des femmes dans ce même genre, la scène semble beaucoup plus vide. Les figures féminines dominent la littérature de SF (Ursula K. Le Guin, Octavia E. Butler), mais qu'en est-il des femmes créatrices dans la bande dessinée de science-fiction ?
Une représentation historique inégale
Si la science-fiction a été traditionnellement considérée comme un genre d’hommes, les femmes n’en sont pourtant pas totalement absentes. L’une des premières autrices marquantes dans ce domaine est Chantal Montellier, avec sa série Shelter, publiée dans les années 1980. Elle fut l’une des rares femmes à participer à Métal Hurlant, un magazine phare du genre, où son travail était souvent jugé par rapport aux standards des créateurs masculins. Montellier a longtemps dénoncé le machisme ambiant du milieu de la bande dessinée de cette époque, soulignant que les femmes étaient souvent reléguées à des rôles secondaires ou invisibles, une situation qui perdure encore aujourd'hui.
L’invisibilisation systématique et systémique des créatrices de BD
La question de la sous-représentation des femmes dans la bande dessinée de science-fiction n’est pas nouvelle. Comme le rappelle une étude menée en 2016 par les États Généraux de la Bande Dessinée, seulement 27 % des auteurs de bande dessinée étaient des femmes. Ce chiffre est encore plus bas dans la SF. L'invisibilisation des femmes est systémique et systématique, un problème bien documenté dans des études telles que celles du Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme, fondé en 2013. Ce collectif dénonce la manière dont les éditeurs cherchent à créer des "collections pour femmes", souvent réductrices et essentialistes.
Les catalogues des maisons d'édition révèlent également des chiffres alarmants. Parmi plus de 1 100 bandes dessinées de SF publiées en France, seules 5,44 % sont créées, dessinées ou colorisées par des femmes. Ces chiffres illustrent la marginalisation des femmes dans ce genre, malgré leur présence croissante dans d'autres sous-genres comme la biographie ou l'autobiographie.
Les freins à l’accès des femmes à la SF
La faible participation des femmes dans la bande dessinée de science-fiction est due à plusieurs facteurs. Premièrement, l'accès à la science, longtemps réservé aux hommes, a freiné l'émergence des femmes dans un genre fondé sur l'anticipation technologique et scientifique. Aujourd'hui encore, les femmes ne représentent que 38,7 % des effectifs dans les filières scientifiques, et 28 % en sciences fondamentales, selon l'Observatoire des inégalités. Cette inégalité se répercute directement sur la production d'œuvres de science-fiction, un genre historiquement étroitement lié aux sciences dures.
Ensuite, le lectorat de science-fiction est encore très majoritairement masculin. Selon un sondage mené lors des États Généraux de l’imaginaire, la SF est lue à 80 % par des hommes, tandis que la fantasy attire davantage un public féminin. Ce déséquilibre dans le lectorat se reflète également dans la création, limitant l'intérêt des femmes pour ce genre.
Les esthétiques sexistes et leur impact sur les créatrices
Un autre obstacle majeur à l’épanouissement des femmes dans la bande dessinée de science-fiction est l'esthétique sexiste qui domine le genre depuis des décennies. À l’époque de Métal Hurlant, les personnages féminins étaient souvent hypersexualisés, réduits à des rôles d'objets de désir, dans la lignée de figures comme Barbarella. Ce type de représentation continue à éloigner les lectrices et les créatrices, qui peinent à trouver des modèles inspirants.
L’émergence d’une nouvelle génération
Toutefois, malgré ces obstacles, une nouvelle génération de créatrices commence à s’imposer dans le domaine de la bande dessinée de science-fiction. Des artistes comme Lisa Blumen, avec Avant l’oubli, ou Léa Murawiec avec Le Grand vide, proposent des œuvres où la science-fiction se mêle à des réflexions profondes sur notre société contemporaine. Ces bandes dessinées explorent souvent des thématiques telles que la popularité, les réseaux sociaux ou encore l’effondrement écologique, renouvelant ainsi le genre de la science-fiction.
Cette nouvelle vague de créatrices apporte un souffle d’air frais dans un univers longtemps dominé par les hommes. Leur travail, bien que parfois encore méconnu, permet de remettre en question les codes traditionnels de la SF et d’offrir des visions plus diverses et inclusives.
Conclusion
La bande dessinée de science-fiction, bien qu’encore largement dominée par des créateurs masculins, commence peu à peu à se féminiser. Si l’invisibilisation des femmes reste un problème central, les récentes productions montrent qu’il est possible de renouveler ce genre en y apportant des perspectives nouvelles. Il est essentiel de continuer à valoriser le travail des autrices de bande dessinée, non seulement en SF, mais dans tous les genres, afin de rééquilibrer la représentation des genres dans le neuvième art.
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