Les œuvres de William Shakespeare continuent de réserver des surprises, même plusieurs siècles après leur rédaction....
Les meubles héraldiques : symboles intemporels et créations modernes.
L'héraldique, science des armoiries, puise sa richesse et sa complexité dans les meubles, ces représentations schématiques d'objets, d'animaux, ou d'éléments végétaux qui peuplent les écussons. Le meuble est un élément central des blasons, déterminant à la fois l'identité visuelle et symbolique de la famille ou de l'institution qui l'arbore. Le terme « meuble » désigne en héraldique une figure dessinée sur l'écu qui n’est ni une pièce (qui serait une bande ou une fasce), ni un support, mais plutôt une représentation qui parle d’elle-même, souvent sous forme d’objet, d’animal ou de plante.
Le lion : un meuble emblématique
Parmi les animaux utilisés en héraldique, le lion figure en tête des meubles les plus fréquemment représentés. Cet animal majestueux, symbole de courage et de force, est souvent représenté debout sur ses pattes arrière, posture dite "rampante" en héraldique. Il est important de souligner que, dans le cas du lion, l’adjectif "rampant" est presque superflu tant cette posture lui est naturelle. Cette posture se distingue de celle des autres quadrupèdes, qui, lorsqu’ils sont représentés sur leurs pattes arrière, sont décrits comme "saillants". La diversité des représentations du lion en héraldique est étonnante : il peut être lampassé (doté d’une langue d’un émail différent), armé (muni de griffes distinctes), couronné ou même "contourné" s’il regarde vers la gauche (à senestre).
Exemple notable, la reliure aux armes d’Henri Des Nos, évêque de Rennes, affiche un lion de sable sur fond d’argent, armé et lampassé de gueules, un schéma classique qui démontre le lien intime entre le meuble et la représentation de la force de l'autorité spirituelle.
Autres animaux et particularités de représentation
Outre le lion, d’autres animaux occupent une place importante dans l’héraldique, chacun observant des conventions de posture et de présentation spécifiques. Le mouton, par exemple, en position levée sur ses pattes arrière, est dit "saillant". Lorsqu’un animal est représenté en mouvement, comme un cheval ou un loup, on dira qu’il est "passant", une posture qui évoque le dynamisme et la progression. Si seule la tête ou la partie supérieure de l’animal est visible, il est qualifié de "naissant", et si l’animal semble émerger d’une pièce, comme une fasce, il sera décrit comme "issant".
Certaines représentations animales se concentrent uniquement sur des parties du corps. Ainsi, une tête d’animal peut être "arrachée", un terme signifiant qu’elle est représentée comme séparée du reste du corps, avec des contours souvent marqués. Les hures de sanglier et les têtes de cerf, parfois qualifiées de "rencontres", sont fréquentes, tout comme les "massacres", désignant les bois ou ramures d’animaux tels que les cerfs.
L’aigle et les oiseaux : symboles célestes
Dans l’héraldique, l’aigle, souvent vue comme un symbole de puissance impériale, est un autre animal récurrent. Féminine dans son usage héraldique, elle est traditionnellement représentée avec les ailes déployées (éployées), tête de profil, serres et pattes écartées. Une variante de l’aigle, plus schématique, est l’alérion, une petite aigle sans bec ni pattes, fréquemment utilisée dans des cantons d’armoiries complexes. De manière similaire, la "merlette", petite figure d’oiseau sans bec, est fréquemment vue dans des armoiries moins austères.
Les animaux fantastiques
L’héraldique médiévale, malgré un imaginaire riche de créatures fantastiques, intègre relativement peu ces derniers dans les armoiries, mais quelques exceptions sont notables. Parmi les créatures mythologiques, on trouve des basilics, licornes, salamandres, sirènes ou griffons, chacune apportant avec elle une symbolique particulière de mystère et de puissance surnaturelle. Ces animaux fantastiques, souvent d’origine médiévale, reflètent à la fois les croyances et les peurs d’une époque.
Les objets et le règne végétal
Les objets occupent une place significative dans l’héraldique. Qu’ils soient quotidiens ou extraordinaires, ces meubles renforcent le symbolisme des armoiries. Les croissants, besants (petits disques de métal) ou tourteaux (disques de couleur) sont des motifs récurrents. De même, les armes ou outils comme les épées, maillets ou forces (ciseaux) ornent fréquemment les écussons, rappelant les activités ou les métiers des lignées représentées.
Le règne végétal, quant à lui, offre une riche palette de meubles : fleurs de lys, roses, gerbes de blé ou arbres arrachés figurent fréquemment sur les armoiries. L'espèce de l’arbre peut être précisée par un dessin détaillé de la feuille ou du fruit, ajoutant un niveau de finesse à la symbolique héraldique.
Armes parlantes et créations modernes
Les armes parlantes constituent une catégorie particulière d’armoiries, où le dessin ou les meubles suggèrent directement le nom du propriétaire sous forme de rébus. Ainsi, la famille Bar porte deux bars adossés, tandis que les Gardereau affichent un brochet en fasce sur leur blason, renforçant l’aspect personnel de l’armoirie.
Malgré le respect des conventions séculaires, l’héraldique reste un domaine évolutif où de nouveaux meubles peuvent être créés. Il n'est pas rare aujourd'hui de voir des armes comportant des objets contemporains, tels que des avions ou des composants électroniques, intégrés dans les blasons.
Reliure aux armes et ex-libris
Les armoiries ne se limitent pas aux écussons ou aux murs des châteaux. La reliure aux armes est une autre forme prestigieuse de cette tradition. Les livres anciens, ornés de tels motifs, deviennent des trésors tant pour leur contenu que pour leur contenant. Un exemple célèbre est la reliure aux armes de Josias de Montmorency, seigneur de Bours, portant « d’or à la croix de gueules cantonnée de 16 alérions d’azur et chargée d’un croissant d’argent en abîme ». Ces reliures armoriées sont autant des symboles de pouvoir que des objets d’art.
L’ex-libris, marque personnelle placée à l’intérieur des livres, prolonge cette tradition. Les bibliophiles modernes continuent d’adopter cette pratique, ajoutant souvent des meubles héraldiques à leurs ex-libris, perpétuant ainsi l’ancienne coutume tout en l’adaptant aux goûts contemporains.
Ainsi, l’héraldique, loin d’être figée, évolue avec son temps tout en conservant ses racines médiévales. Ses meubles, qu'ils soient animaux, objets ou plantes, demeurent des symboles puissants, porteurs d’une histoire et d’une identité.
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