René Hausman, enchanteur des Ardennes – Une exposition hommage au Centre culturel de Verviers.

Du 29 avril au 3 juin 2025, le Centre culturel de Verviers consacre une exposition d’envergure à une figure emblématique de la bande dessinée belge : René Hausman. Gratuitement accessible en semaine, cette rétrospective rend hommage à un artiste singulier, maître des atmosphères sylvestres et des légendes murmurées par les bois. Illustrateur de contes, auteur de bandes dessinées, créateur de bestiaires magiques, Hausman a su, tout au long de sa carrière, tisser un lien profond entre nature et imagination.

L’éveil d’un conteur naturaliste

Né à Verviers en 1936, René Hausman grandit dans un environnement propice aux récits. Sa grand-mère, nourrie des traditions orales ardennaises, et son père, passionné de récits populaires, forgent en lui un imaginaire foisonnant. Très tôt, il développe une fascination pour les animaux, les forêts profondes et les créatures tapies dans l’ombre des légendes. C’est cette passion précoce qui déterminera l’ensemble de son œuvre : une poésie visuelle enracinée dans les sous-bois et les mythes.

Sa vocation s’affirme avec force lorsqu’il rencontre Raymond Macherot, créateur du personnage de Chlorophylle. Encouragé par cet aîné, Hausman se lance dans l’illustration avant d’embrasser le monde de la bande dessinée, en rejoignant les pages du mythique magazine Spirou dès 1957. Il y signe notamment Saki et Zunie, en collaboration avec Yvan Delporte — une première incursion dans un monde où la faune devient héroïne et le récit se fait murmure de la forêt.

Une œuvre au carrefour de la féerie et du réel

Ce qui distingue René Hausman dans le paysage de la bande dessinée, c’est cette capacité rare à faire cohabiter le réel le plus minutieux et le fantastique le plus audacieux. Son trait aquarellé, doux et précis, confère aux animaux un réalisme saisissant, tout en laissant la place à des êtres légendaires issus des traditions celtiques ou wallonnes. Lutins, fées, renards rusés et chouettes ensorcelées peuplent son univers graphique.

Il revisite avec un regard nouveau plusieurs piliers de la littérature classique : ses illustrations des Fables de La Fontaine, du Roman de Renart et des Contes de Perrault ne se contentent pas d’orner les textes — elles leur insufflent une âme nouvelle, sauvage et poétique. Loin de tout académisme, Hausman peint une nature vivante, vibrante, souvent mystérieuse, parfois inquiétante, mais toujours respectée.

Son Bestiaire insolite témoigne également de cette obsession tendre pour les animaux et les monstres oubliés. Ce recueil illustre avec une grande liberté des créatures souvent marginales, que Hausman réhabilite dans une célébration du vivant, du marginal, du différent.

Laïyna : l’œuvre-charnière

En 1985, René Hausman publie Laïyna, un conte graphique en deux tomes, qui ouvre la collection « Aire Libre » chez Dupuis, aujourd’hui référence dans le monde de la bande dessinée d’auteur. Scénarisée par Pierre Dubois, l’histoire met en scène une héroïne fragile et déterminée, plongée dans un monde hostile peuplé de créatures issues des légendes ardennaises.

Avec Laïyna, Hausman atteint une forme de maturité artistique : les planches oscillent entre la lumière d’un rêve et la dureté d’un cauchemar. Le trait, fluide et évocateur, porte une narration presque muette, comme si les dialogues devenaient superflus face à la puissance évocatrice des images. C’est un chef-d'œuvre où se croisent les thèmes majeurs de son œuvre : l’innocence, la cruauté, la beauté sauvage et la solitude de l’être face à la nature.

Une reconnaissance au fil du temps

Longtemps à la marge du monde de la bande dessinée franco-belge, trop animalier pour certains, trop onirique pour d'autres, René Hausman a finalement imposé un style inclassable, aujourd’hui unanimement salué. Les distinctions ont jalonné son parcours : en 1975, il reçoit la prestigieuse Pomme d’Or de Bratislava pour son Bestiaire insolite. Vingt ans plus tard, il est fait citoyen d'honneur de la ville de Durbuy, et en 2014, les habitants de sa ville natale le consacrent Verviétois de l’année.

Mais au-delà des récompenses, c’est surtout dans le cœur de ses lecteurs que Hausman a laissé une empreinte. Chaque planche, chaque illustration est une invitation à la rêverie, un pas de plus vers un monde qui semble à la fois lointain et familier, comme un conte entendu dans l’enfance et retrouvé au détour d’une image.

L’exposition : une immersion dans l’œuvre d’un enchanteur

Le Centre culturel de Verviers a choisi de rendre hommage à cet enfant du pays avec une exposition riche et sensible. L’accrochage propose un parcours à travers les différentes facettes de son œuvre : bandes dessinées, illustrations de contes, aquarelles animalières, esquisses inédites…

Les visiteurs peuvent admirer les planches originales de Laïyna, les pages illustrées des Fables de La Fontaine, et des pièces plus confidentielles, qui révèlent l’envers du décor créatif de l’artiste. Le fil conducteur de l’exposition n’est autre que la nature : toujours présente, tantôt décor, tantôt personnage, elle s’impose comme le cœur battant de l’univers de Hausman.

Le choix du lieu n’est pas anodin : à Verviers, René Hausman retrouve son point d’origine, ce territoire qui l’a vu naître, grandir, rêver, et qu’il a magnifié de son pinceau tout au long de sa vie.

L’exposition consacrée à René Hausman est bien plus qu’un hommage. Elle constitue une invitation à redécouvrir un artiste libre, amoureux de la nature et des histoires, qui a su marier dans une même œuvre la tendresse du regard et la puissance du mythe. Ceux qui pénétreront son univers y trouveront bien plus que de jolies images : ils y entendront le chant ancien des forêts, le rire moqueur des renards, et la magie intacte d’un monde qu’on croyait perdu.