Tintin, un voyageur polyglotte : des langues régionales aux horizons internationaux.

L’univers de Tintin, héros intemporel créé par Hergé, continue de s’élargir bien des années après la publication des premières aventures du célèbre reporter. Des nouvelles traductions de ses albums apparaissent régulièrement, et leur diversité ne cesse d’étonner : du breton au tahitien, en passant par le chinois ou encore le provençal, la popularité de Tintin transcende les langues et les cultures. À travers des adaptations audacieuses, les aventures de Tintin prennent des accents locaux, offrant une nouvelle vie à l’œuvre d’Hergé.

Les langues régionales, un hommage aux identités locales

Les langues régionales occupent une place de choix dans les nouvelles traductions des albums de Tintin. En France, la publication de Li 7 boulo de cristau, la version provençale des 7 boules de cristal, illustre parfaitement cette démarche. Ces adaptations ne sont pas nouvelles : dès les premières décennies de l’existence de Tintin, des traductions ont vu le jour dans des langues telles que le catalan ou le basque. À mesure que le temps passe, la liste des langues régionales représentées s’allonge, incluant le corse, l’alsacien, le picard, le gallo, ou encore le gaumais, un dialecte belge.

Ces initiatives ne sont pas toujours simples. La traduction d’un album dans une langue principalement orale nécessite souvent un travail collectif et rigoureux. Un exemple frappant est celui de l’album Lés Dorûres a la Castafiore en gallo, publié en 1997. Chaque département de Bretagne a contribué à l’élaboration d’une version propre, qui a ensuite été harmonisée pour rendre le texte compréhensible au plus grand nombre. La difficulté est parfois amplifiée par des disparités orthographiques, comme en alsacien, où les prononciations varient considérablement d’un village à un autre.

Une empreinte mondiale : de l’afrikaans au vietnamien

Au-delà des langues régionales, les aventures de Tintin se sont rapidement imposées sur la scène internationale. Depuis les années 1950, les albums ont été traduits dans une quarantaine de langues, parmi lesquelles le japonais, l’hindi, le russe ou encore le tibétain. Ces adaptations nécessitent parfois des ajustements, notamment pour respecter les contraintes des phylactères, dont la taille fixe impose une certaine concision. C’est notamment le cas dans la version tahitienne de Le Crabe aux pinces d’or, intitulée Te pa’apa’a’avae ei fa’ahohoni piru, où certains mots, comme « renseignement », deviennent de longs termes complexes.

Les noms des personnages, eux aussi, varient en fonction des langues et des sensibilités culturelles. Tintin devient Tintti en finnois, Dingding en chinois ou encore Kuifje en néerlandais. Milou, fidèle compagnon du reporter, se transforme en Struppi (allemand), Snowy (anglais) ou Spokie (afrikaans). Les personnages secondaires n’échappent pas à ce phénomène : le capitaine Haddock se voit rebaptisé Kaptein Sardijn en afrikaans, tandis que Dupond et Dupont deviennent Hernandez y Fernandez en espagnol.

Censure et diplomatie : Tintin au cœur des sensibilités nationales

Certaines traductions de Tintin ont été modifiées pour éviter des tensions politiques ou culturelles. En Chine, par exemple, tous les albums de Tintin ont été publiés, à l’exception de Tintin au pays des Soviets, jugé trop critique envers le communisme. Le Lotus bleu, qui se déroule en Chine, connaît un succès particulier et reste l’un des albums les plus populaires dans ce pays. Cependant, certains passages jugés sensibles ont été modifiés ou supprimés, comme celui évoquant des bébés chinois abandonnés à leur naissance.

Un incident notable concerne la traduction chinoise de Tintin au Tibet. En 2001, l’album a été publié sous le titre Tintin au Tibet chinois, une appellation qui a provoqué un tollé. Fanny Rodwell, veuve d’Hergé et proche du Dalaï-Lama, a dénoncé cette modification, estimant qu’elle allait à l’encontre des valeurs portées par l’œuvre originale. Après des négociations, le titre conflictuel a été corrigé, bien que 10 000 exemplaires aient déjà été commercialisés, devenant ainsi des objets de collection.

Piraterie et marché mondial : Tintin sous toutes les formes

Malgré le contrôle rigoureux exercé par les ayants droit d’Hergé, Tintin n’échappe pas au phénomène de la piraterie. En Chine, bien avant la publication officielle des albums en 2001, des versions non autorisées circulaient déjà, souvent de piètre qualité. Ces éditions pirates, généralement en format réduit et en noir et blanc, ont néanmoins contribué à populariser l’œuvre dans des régions où les albums officiels étaient inaccessibles. Aujourd’hui, la piraterie a diminué mais reste un problème, les albums originaux étant encore coûteux pour certaines populations.

Casterman, l’éditeur historique de Tintin, continue de profiter du succès mondial du personnage. Avec plus de 50 langues disponibles, les albums de Tintin représentent 20 % du chiffre d’affaires de l’éditeur, avec environ un million d’exemplaires vendus chaque année. En Chine, 600 000 albums avaient déjà été écoulés dès 2002, confirmant l’attrait universel du jeune reporter.

Un héros universel et intemporel

Que ce soit à travers des dialectes locaux ou des grandes langues internationales, Tintin reste une figure culturelle mondiale. Les traductions en langues régionales participent à la préservation et à la valorisation des identités locales, tandis que les éditions internationales font découvrir l’œuvre d’Hergé à de nouveaux publics. Avec ses cinquante langues disponibles et une base de lecteurs toujours croissante, l’univers tintinophile n’a pas fini de séduire. Les aventures de Tintin, véritable pont entre les cultures, continueront de voyager aux quatre coins du globe, enrichissant une collection déjà impressionnante et suscitant toujours autant de passion.