Les œuvres de William Shakespeare continuent de réserver des surprises, même plusieurs siècles après leur rédaction....
Vasco, la saga d'une bande dessinée historique entre fidélité et renouveau.
La série Vasco est une œuvre monumentale dans le paysage de la bande dessinée historique franco-belge, qui mérite une attention particulière tant pour la richesse de son contenu que pour l'authenticité avec laquelle elle plonge le lecteur dans le Moyen Âge. Initiée par Gilles Chaillet en 1978, cette saga épique, qui s'étend sur plus de trois décennies, est un véritable hommage à l'histoire médiévale, illustrée à travers le prisme des aventures d'un jeune commis de banque italien du XIVe siècle.
Une plongée dans l'Italie du Trecento
Le personnage central, Vasco Baglioni, est un jeune homme appartenant à une riche famille de banquiers siennois. Ses aventures commencent à Sienne, où son oncle, Tolomeo Tolomei, l'envoie résoudre des conflits complexes et délicats, souvent liés au pouvoir économique de sa famille. Ce point de départ est crucial, car il pose les bases d'une série où les enjeux financiers, politiques et sociaux s'entremêlent dans un contexte historique parfaitement documenté.
La force de Vasco réside dans la capacité de Chaillet à intégrer des faits historiques véridiques et des personnages réels dans la trame narrative. Le lecteur est ainsi transporté dans des lieux emblématiques de l'époque, tels que Constantinople, Avignon, Rome, ou encore les contrées lointaines de l'Orient. Chaque lieu visité par Vasco est minutieusement représenté, avec un souci du détail qui reflète la passion de Chaillet pour l'histoire.
Les personnages : entre fiction et réalité historique
Outre Vasco, la série introduit une pléiade de personnages, certains fictifs, d'autres directement tirés des annales de l'histoire. Vasco croise ainsi des figures historiques majeures telles que Marino Faliero, doge de Venise, ou Clément VI, pape d'Avignon. Ces rencontres ne sont pas de simples caméos ; elles sont intégrées de manière organique à l'intrigue, offrant un éclairage nouveau sur ces figures historiques à travers les yeux du jeune protagoniste.
Le personnage de Sophie Cantacuzène, fille de l'empereur byzantin Jean VI Cantacuzène, est un autre exemple de cette fusion entre réalité historique et fiction. Sa relation avec Vasco apporte une dimension personnelle et émotive à la série, tout en soulignant les complexités politiques de l'époque.
Une œuvre marquée par la fidélité historique
Ce qui distingue Vasco de nombreuses autres bandes dessinées historiques, c'est l'extraordinaire fidélité de Chaillet à l'époque qu'il dépeint. Passionné par l'histoire et particulièrement par la Rome antique, Chaillet a su transposer cette passion dans la création de cette série. Son œuvre magistrale, Dans la Rome des Césars, publiée en 2004, témoigne de cette obsession du détail historique, que l'on retrouve également dans chaque case de Vasco.
La précision des décors, l'authenticité des costumes, et la rigueur des dialogues donnent à la série une dimension presque documentaire. Cela est particulièrement visible dans les scènes se déroulant dans des villes comme Venise ou Constantinople, où chaque bâtiment, chaque rue, semble avoir été reproduit à partir de recherches minutieuses. Cette rigueur n'entrave en rien la fluidité de la narration ; au contraire, elle enrichit l'intrigue, rendant l'histoire non seulement crédible, mais aussi fascinante.
Les albums : une fresque historique en 30 volumes
La série Vasco se compose de 30 volumes, chacun explorant un épisode différent de la vie de Vasco et des conflits qui agitent l'Europe et l'Orient au XIVe siècle. Le premier album, L'Or et le Fer, publié en 1983, pose les bases de la série avec une intrigue centrée sur les rivalités économiques et politiques. Au fil des volumes, Vasco se retrouve mêlé à des intrigues de cour, des guerres de pouvoir, et des complots qui reflètent les tensions de l'époque.
Les titres des albums, tels que Le Prisonnier de Satan, La Byzantine, ou encore Les Sentinelles de la nuit, témoignent de la diversité des aventures vécues par Vasco. Chaque album est une immersion dans une époque troublée, où les frontières entre le bien et le mal sont souvent floues, et où le pouvoir est souvent synonyme de corruption.
La série connaît un tournant en 2007, lorsque Gilles Chaillet confie le dessin à Frédéric Toublanc, avant de décéder en 2011. Le passage du flambeau se fait sans heurts, avec Dominique Rousseau prenant le relais à partir de 2013 pour les derniers volumes. La série s'achève en 2019 avec L'Or des glaces, marquant la fin d'une épopée historique qui a marqué des générations de lecteurs.
L'héritage de Vasco : une bande dessinée qui transcende le temps
Vasco est plus qu'une simple bande dessinée historique ; c'est une œuvre d'art qui a su capturer l'essence d'une époque tout en racontant des histoires intemporelles de pouvoir, d'amour, et de trahison. La série a non seulement diverti, mais aussi éduqué ses lecteurs, en leur offrant un aperçu fascinant du Moyen Âge à travers le regard d'un jeune Italien téméraire.
L'héritage de Gilles Chaillet est indéniable. Sa passion pour l'histoire, sa rigueur dans la recherche, et son talent pour la narration graphique ont fait de Vasco une série incontournable pour tout amateur de bande dessinée historique. Elle restera, sans doute, une référence pour les futurs créateurs de bandes dessinées, et continuera d'inspirer de nouvelles générations de lecteurs.
Après le décès de Gilles Chaillet en 2011, la série Vasco a connu une phase de transition délicate, marquée par la reprise du scénario par Luc Révillon. Ce dernier, historien passionné de bande dessinée et ami de longue date de Chaillet, a été choisi pour poursuivre l’œuvre, avec le soutien de Chantal Chaillet, la veuve de Gilles, qui continuait à assurer les couleurs de la série.
Une transition sous le signe de l'amitié et du respect
La reprise du scénario par Luc Révillon ne s’est pas faite à la légère. Chantal Chaillet, en accord avec Gauthier Van Meerbeeck, directeur éditorial du Lombard, a proposé à Révillon d'écrire les nouveaux scénarios, avec pour objectif de rester fidèle à l’esprit de l’œuvre tout en y apportant sa propre sensibilité. Révillon connaissait bien l’univers de Vasco, ayant déjà travaillé avec Gilles Chaillet sur plusieurs projets, notamment Le Petit Vasco illustré et Les Mémoires secrets de Vasco.
Cette transition s’est inscrite dans une logique à la fois amicale et familiale, où le respect de l'héritage de Chaillet était primordial. Chantal Chaillet, en tant que "gardienne du temple", jouait un rôle clé dans ce processus, collaborant étroitement avec Révillon pour garantir la cohérence et l’intégrité de la série.
Le défi de la continuité narrative
Reprendre une série aussi emblématique que Vasco n’est jamais une tâche facile, surtout lorsque l'auteur original a laissé une empreinte aussi marquée. Révillon, conscient de l'ampleur de la responsabilité, a choisi de rester fidèle à l’esprit de Chaillet tout en apportant des éléments nouveaux pour renouveler l'intérêt des lecteurs.
Les premiers albums scénarisés par Révillon, tels que Les Citadelles de sable (2016), s’inscrivent dans la continuité des récits de Chaillet, tout en explorant des thèmes légèrement différents, notamment une plus grande attention aux relations interpersonnelles entre les personnages principaux. Révillon s’est également attaché à approfondir la dimension romanesque de l’intrigue, tout en maintenant l’exigence historique qui faisait la force de la série.
Un travail collaboratif avec Dominique Rousseau
Dominique Rousseau, qui avait déjà dessiné les deux derniers albums sous la direction de Chaillet, a continué à illustrer la série sous la plume de Révillon. Leur collaboration a été marquée par une grande fluidité, Rousseau apportant sa propre vision tout en respectant les directives scénaristiques de Révillon. Ensemble, ils ont su maintenir le niveau de qualité graphique et narrative attendu par les fidèles de Vasco.
Le processus de création était hautement collaboratif, avec des réunions régulières entre Chantal Chaillet, Luc Révillon et Dominique Rousseau pour discuter des découpages, des dialogues et des choix graphiques. Ce travail d'équipe a permis de maintenir l'harmonie visuelle et narrative de la série, tout en permettant à chaque artiste d’exprimer pleinement son talent.
Le défi d'écrire pour une série établie
Pour Révillon, l’un des plus grands défis était d’écrire de nouveaux scénarios qui respectent l'héritage de Chaillet sans se contenter de l'imiter. Il a réussi à insuffler un souffle nouveau à la série tout en conservant ce qui faisait son charme : la rigueur historique, les décors somptueux, et une intrigue riche en rebondissements.
La série s’est ainsi poursuivie avec succès sous sa direction, jusqu'à ce que l'éditeur décide de mettre fin à la saga en 2019 avec le trentième tome, L’Or des glaces. Ce dernier album clôt une aventure qui aura duré plus de quarante ans, marquant la fin d’une époque pour la bande dessinée historique franco-belge.
Un hommage à un héritage durable
La reprise de Vasco par Luc Révillon après la mort de Gilles Chaillet est un exemple poignant de la manière dont une œuvre peut continuer à évoluer et à prospérer même après la disparition de son créateur. Grâce à la collaboration étroite entre Révillon, Chantal Chaillet et Dominique Rousseau, la série a su conserver son essence tout en se renouvelant.
L’héritage de Gilles Chaillet perdure ainsi à travers ces albums posthumes, qui continuent de captiver les lecteurs par la richesse de leur contenu et la beauté de leur exécution. Vasco reste une référence incontournable dans le domaine de la bande dessinée historique, et la contribution de Luc Révillon en tant que scénariste démontre que le respect du passé peut coexister avec l'innovation narrative.
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