Jean Roba, le maître discret du 9e art, de l’enfance champêtre à l’immortalité de "Boule et Bill".

Jean Roba est né à Schaerbeek, une commune de la Région de Bruxelles-Capitale, le 28 juillet 1930. Il est décédé à Bruxelles le 14 juin 2006. Tout au long de sa vie, il a consacré quarante-cinq de ses soixante-seize années à la création et à l'illustration des gags mettant en scène un petit garçon et son cocker, personnages qui continuent de fasciner le public bien après sa disparition. Cette œuvre perdure, en témoigne la parution récente de « Mon meilleur ami », le trente-deuxième album de la série, publié par les éditions Dargaud. Depuis 2003, la reprise graphique de ces aventures est brillamment assurée par Laurent Verron, ancien assistant de Roba entre 1986 et 1989.

Une enfance influencée par la nature et le dessin

Jean Roba a passé son enfance dans une atmosphère champêtre à Molenbeek-Saint-Jean, une banlieue maraîchère de Bruxelles. Il y jouait aux cow-boys et aux Indiens avec des enfants majoritairement flamands, tout en dessinant ce qui l’entourait. Cette immersion dans un environnement naturel l'a marqué profondément, le poussant à préférer représenter les paysages bucoliques, les animaux et les plantes plutôt que les scènes urbaines. À seulement dix ans, tout en continuant ses études, il commence à suivre des cours de dessin en soirée à l'École des Arts Décoratifs de Molenbeek.

Lorsqu'il quitte l'école à quinze ans, Roba, avec l'approbation de son père, entre comme apprenti dans une fabrique de vitraux, puis dans un atelier de photogravure à Bruxelles. Il y apprend diverses techniques liées à la gravure et à l'imprimerie, aux côtés de professionnels chevronnés. Après son service militaire au 2ème chasseur à cheval, il entame une carrière d'illustrateur et de dessinateur publicitaire, à une époque où l’on parlait encore de « réclame » plutôt que de publicité. Il intègre ensuite une agence de publicité en 1952, où il devient rapidement chef de studio de création.

Les débuts dans l'illustration et la bande dessinée

Au studio Creas, Roba se forme également à la décoration et au dessin de mode. Malgré son rêve de devenir animateur de dessins animés pour Walt Disney, la réalité le rattrape : il doit subvenir aux besoins de sa famille. En effet, dès 1951, sa situation personnelle évolue, avec son mariage et la naissance de son premier enfant. Le dessin demeure sa passion, et il continuera à y consacrer sa vie, même après avoir passé le flambeau à Laurent Verron, en se tournant vers l’aquarelle et d’autres recherches graphiques personnelles. Ce n’est donc pas surprenant que Dargaud, en collaboration avec Champaka, ait choisi de lui rendre hommage avec la publication de « Roba illustrateur », un ouvrage de cent vingt pages qui explore les archives de l’artiste à travers une sélection d’illustrations, de travaux publicitaires et d'autres œuvres.

La rencontre avec Maurice Rosy et les premiers pas chez Spirou

Jean Roba, en plus de ses activités professionnelles, crée de nombreuses histoires inspirées par ses lectures d’enfance, les bandes dessinées qu’il a découvertes étant jeune, ou encore par ses expériences cinématographiques. C’est l’un de ses collègues, Jean Binon, qui le présente à Maurice Rosy, alors directeur artistique aux éditions Dupuis. Impressionné par le talent de Roba, Rosy lui propose rapidement du travail, notamment l’illustration d’un conte de Noël écrit par Peyo, « Une étoile pour le petit prince ». Publiée dans le numéro 1027 du journal Spirou en 1957, cette illustration marque le début d’une collaboration prolifique avec les éditions Dupuis.

Au fil des années, Roba multiplie les collaborations avec Spirou, notamment pour la rubrique féminine Bonne Soirées, où il remplace Albert Uderzo pour les illustrations de la rubrique « Sa Majesté mon mari ». En 1958, il crée sa première œuvre entièrement personnelle, « Jo le toubib et son boy Esculape », pour un numéro spécial de Spirou.

L'entrée dans l'atelier Franquin et la naissance de « Boule et Bill »

En 1958, Jean Roba rejoint l'atelier de Franquin, où il remplace Marcel Denis. Sous la direction d’André Franquin, il travaille sur des aventures de « Spirou & Fantasio », tout en continuant à développer son propre style. C’est d’ailleurs en 1959, à l’occasion d’un mini-récit encarté dans le numéro 1132 de Spirou, que Roba esquisse les premiers traits de ce qui deviendra l’un de ses plus grands succès : « Boule et Bill ». Inspirés par son propre fils et le cocker de la famille, ces personnages reviennent dès l’année suivante sous forme d’une histoire de quatre pages, avant de devenir une série de gags hebdomadaires.

La série « Boule et Bill », caractérisée par une ambiance joviale et bienveillante, trouve un écho international. Les albums sont traduits en quinze langues, et la série comprend près de mille gags et plusieurs récits complets. L'approche de Roba, axée sur la gentillesse et l’absence de conflits, est sans doute la clé de la longévité et du succès de ces personnages.

La Ribambelle et autres contributions au 9e art

Outre « Boule et Bill », Roba est également l’auteur de plusieurs autres séries et histoires courtes. Entre 1962 et 1976, il signe onze récits de « La Ribambelle », une bande de gamins imaginée par André Franquin. Les six albums de cette série, parus entre 1965 et 1984, sont désormais regroupés en deux intégrales chez Dargaud.

Roba contribue également à d'autres publications, comme « Les Frères Fratelli » dans les Histoires de Bonux Boy en 1960, ou encore l’éphémère série « Pomme » dans le mensuel Record entre 1962 et 1963. Tout au long de sa carrière, Roba s’adonne à des projets variés, souvent méconnus, mais qui témoignent de sa polyvalence et de son talent.

L'héritage de Jean Roba dans la bande dessinée

Malgré une carrière largement consacrée à « Boule et Bill », Jean Roba a su diversifier ses créations, laissant une empreinte indélébile dans le monde de la bande dessinée. Ses collaborations avec des auteurs comme André Franquin, Maurice Rosy, ou encore Yvan Delporte, ont enrichi le 9e art de nombreuses œuvres qui continuent d’être redécouvertes par les amateurs de bande dessinée.

L'œuvre de Jean Roba ne se limite pas à une simple réussite commerciale. Son influence sur le 9e art est indéniable, et son travail, empreint de sensibilité et d’humour, continue d’inspirer les générations actuelles et futures de dessinateurs. Les rééditions de ses œuvres et les hommages qui lui sont rendus, comme ceux publiés par les éditions Dargaud, témoignent de l'importance de son héritage dans l'histoire de la bande dessinée européenne.

Jean Roba, à travers ses créations, a offert au public bien plus que des gags : il a su capter l'essence de la vie quotidienne avec une simplicité et une humanité qui continuent de toucher les lecteurs de tous âges. Que ce soit avec « Boule et Bill », « La Ribambelle » ou ses autres œuvres moins connues, Roba a marqué l’histoire de la bande dessinée, faisant de lui un maître du 9e art dont l’influence perdure bien au-delà de ses années d’activité.