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La Normandie, berceau méconnu de la photographie.
Au Havre, une exposition remarquable met en lumière le rôle crucial que la Normandie a joué dans l'histoire de la photographie. Cet événement, organisé par le MuMa (Musée d’art moderne André Malraux), se déroule dans le cadre du 5e Festival Normandie Impressionniste. Intitulée « Photographier en Normandie, 1840-1890 », l'exposition explore l'influence mutuelle entre la peinture et la photographie, tout en soulignant l'importance de la région normande dans le développement de cette technique innovante.
La Normandie, avec ses paysages enchanteurs et sa lumière particulière, a depuis longtemps fasciné les artistes. Dès les années 1820-30, peintres et photographes ont été attirés par ses côtes et ses bocages. Le développement des chemins de fer et la mode des bains de mer ont par la suite amplifié cet engouement, faisant de la région un lieu de rencontre pour de nombreux artistes et photographes. Ce n’est donc pas un hasard si le tableau fondateur de l’impressionnisme, "Impression, soleil levant" de Claude Monet, représente le port du Havre.
L'exposition du MuMa confronte des œuvres photographiques et picturales, offrant un dialogue visuel entre les deux disciplines. Parmi les pièces maîtresses, on retrouve des photographies de Benjamin Pépin, comme la « Vue générale du Mont-Saint-Michel prise du sud » datant de 1865, et des œuvres de célèbres peintres tels que Boudin, Manet et Monet, toutes réalisées en Normandie au XIXe siècle. Cette juxtaposition met en avant 50 ans de relations riches et complexes entre la peinture et la photographie.
Des débuts pionniers aux collaborations fructueuses
La première salle de l'exposition nous plonge dans les origines de la photographie. On y découvre des daguerréotypes réalisés en Normandie par des pionniers tels que Nicéphore Niépce, Louis Daguerre et William Henry Fox Talbot. Ces œuvres, bien que fragiles, sont d'une importance historique capitale. Parmi les photographes locaux qui ont suivi leurs traces, Louis Alphonse de Brébisson et Auguste Autin se distinguent. Brébisson a notamment immortalisé le château de Falaise entre 1840 et 1843, tandis qu'Autin, avec son atelier itinérant, a capturé des portraits saisissants comme celui d’Adolphe Gaspard Souquet de la Tour vers 1850.
L'exposition explore également les relations entre peinture et photographie. Par exemple, une marine aux teintes pastel d’Édouard Manet (vers 1868) semble s’inspirer des compositions de Gustave Le Gray, notamment de son « Bateaux quittant le port du Havre » de 1856. Cette interaction est également illustrée par une gravure de Louis Le Breton, qui reproduit fidèlement une photographie de Jean-Victor Warnod représentant des navires devant la Tour François Ier.
Le Havre, un centre névralgique de la photographie
Une des découvertes majeures de l'exposition est une vue de la Jetée du Nord du port du Havre réalisée par Jean-Victor Warnod en 1856-57. Cette photographie, montrant une série de chalets occupés par des photographes, témoigne de l’engouement pour cette nouvelle technique et place Le Havre comme un foyer important de la photographie en Normandie. Les visiteurs peuvent également admirer des photos de famille prises par Alfred Coulon à Cabourg, offrant un aperçu de la vie estivale à l’époque.
Patrimoine monumental et immortalisation
La photographie, développée à une époque où la notion de patrimoine émergeait, a joué un rôle clé dans la sauvegarde des monuments. En 1951, Prosper Mérimée a commandé un inventaire photographique des monuments français. Hippolyte Bayard, chargé de la Normandie, a travaillé aux côtés de photographes comme Le Gray, Mestral, Baldus et Le Secq pour immortaliser les édifices majeurs de la région. Une des pièces maîtresses de l'exposition est la confrontation d’une « Cathédrale de Rouen » de Monet avec un tirage de la façade gothique réalisé par Édouard Baldus.
Les femmes photographes, une présence rare
Les photographes de l’époque venaient de divers horizons, mais peu de femmes se sont distinguées. Une exception notable est Stéphanie Breton (1809-1895), qui a probablement été initiée à la photographie par Gustave Le Gray. Deuxième femme admise à la Société française de photographie, elle a été active à Rouen vers 1860. L'exposition présente certaines de ses œuvres, dont un autoportrait aux teintes sépia et des vues de Rouen.
« Photographier en Normandie, 1840-1890 » est une exposition incontournable pour comprendre l'évolution de la photographie et son interaction avec la peinture. En remettant la Normandie au cœur de cette histoire, le MuMa du Havre offre un regard inédit sur une région qui a été un véritable laboratoire pour les artistes du XIXe siècle. L'exposition est ouverte jusqu'au 22 septembre 2024, offrant une occasion unique de découvrir ces trésors photographiques et artistiques.
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